Tracklist :Nyktalgia
Nekrolog
Peisithanatos
Pavor NocturnusLe moins que l'on puisse dire c'est que l'Allemagne possède elle aussi ses figures emblématiques du black metal avec des groupes tels que Absurd, Nargaroth, Wedard, Coldworld ou encore Sterbend. Si ce dernier ne vous est pas inconnu peut être avez-vous entendu parler de Nyktalgia, formé par deux ex membres de Sterbend. L'album éponyme était plein de promesses malgré un manque d'originalité et de diversité. Ce n'est que quatre ans plus tard que le trio revient avec son second opus Peisithanatos justement composé de quatre titres. La qualité justifie-t-elle cette longue attente ?
Tout d'abord, c'est à se demander si le groupe n'est pas fan du violet car l'album éponyme arborait déjà une pochette aux teintes mauves. Peisithanatos était en fait le surnom d'Hégésias de Cyrène, celui qui vient inciter à se donner la mort, affirmant qu'il n'y a pas de bonheur possible et que la mort est préférable à la vie. Vous l'aurez compris le groupe n'a pas changé sa recette et officie toujours dans un black metal des plus dépressif.
La voix de Skjeld, souvent proche du déséquilibré Nattram (Silencer) est totalement éraillée et se mêle à des riffs crasseux, léthargiques mais toujours variés, soutenue par des mélodies de fonds entraînantes qui restent légèrement en retrait du mixe.
Il faut donc plusieurs écoutes pour assimiler le disque dans son intégralité, ce dernier apparaissant de plus en plus alambiqué au fil des écoutes. De nombreux changements de rythmes parsemés d'accélérations hallucinantes sont à souligner (Nyktalgia), ce qui est judicieux vu la longueur des titres, oscillant entre 7 et 12 minutes. Mais Nyktalgia ne repose pas sur une simple adynamie échevelée et incorpore dans son affliction un lot de mélodies impressionnantes superbement mises en valeur par une production irréprochable.
Le groupe insère pas mal de mid tempo (souvent en son clean) qui laissent entrevoir un peu de lumière au travers de cette noirceur, tout en "brisant" la structure rythmique. Vecteurs d'émotions, ces breaks planants et aériens présents dans chacun des morceaux offrent un peu de repos et proposent des mélodies fouillées : l'ambiance en devient magistrale à tel point que le registre "black metal atmosphérique" effleure l'esprit. De plus, la musique a gagné en technique : Malfeitor atteint presque le shred sur la chanson titre Peisithanatos qui, par sa voix proche de Varg Vikernes (Burzum) et sa rythmique dépravée, s'impose comme l'ambiance la plus intense de l'album ; on se croirait vraiment à l'aboutissement de l'absurde ineptie qu'est la vie, malgré le lead mélodique lent et majestueux livré à la fin.
Après la dépression et l'espoir, les Allemands s'essaient à l'aversion sur Nekrolog et ses riffs acérés, accompagnés d'harmoniques inquiétantes, non sans rappeler un registre voisin : le death metal. La voix de Skjeld, malsaine à souhait, est en effet plus grave, presque possédée, le son et le tempo se font plus lourds. Si cela peut paraître rebutant aux premières écoutes, cette évolution radicale s'intègre plutôt bien à l'ensemble de l'album.
Le duo basse/batterie s'avère bien plus travaillé et mis en avant que sur l'album précédent. La batterie, résonnant comme les pulsations cardiaques d'un coeur en proie à disparaître, opère les changements de tempo à merveille, n'hésitant pas à donner de gros coups de blast quand il le faut tandis que la basse rampe comme un serpent et injecte son venin aux riffs infectés pour se dresser bien au dessus d'eux, notamment sur Pavor Nocturnus qui, par son mid tempo constant, clôt l'album sur une ambiance déchirante.
Vous l'aurez compris, ces quatre longues années étaient méritées. En effet, là ou la plupart des groupes dépressifs abusent de claviers à outrance ou tombent dans une sorte de "raw" black répétitif, Nyktalgia se démarque par ce côté dépressif toujours doublé de cette lueur d'espoir, illustrée par une quantité de mélodies impressionnantes, substantielles et variées. Ces mélodies sont si mirifiques, comme si Hégésias de Cyrène voulait doucement nous amener à l'acceptation de cette fatalité qu'est la mort. Dans la vitesse et l'atonie, la dépression et l'espoir, Nyktalgia brille par ce sans faute qu'est Peisithanatos, érodant de mille façons l'auditeur par ses fabuleux tourments misanthropiques. La seule chose à espérer est de ne pas avoir à atteindre 2012 pour que le groupe réitère un tel exploit.
Abyssos
Ma chronique également disponible sur : http://www.espritrock.org/pid180/toutes-les-chroniques.html?cid=554