Aäkon Këëtrëh – The Dark Winter (1997) Ultime demo dédicacée au Lord Meyhna'ch de Mütiilation, Lord Aäkon Këëtrëh scelle ici la grandeur de son art noir avec the Dark winter avant que le projet ne disparaisse à jamais dans le sombre hiver de son existence, ne laissant derrière lui qu’une série de mystérieuses demos attestant d’un mal-être incurable. Et pour cause, cette demo d’adieu concentre en elle tous les sentiments de nostalgie que peut éprouver le moribond sur son grabat.
La pochette confirme l’obsession du Lord Aäkon Këëtrëh pour les forêts. Nébuleuse et teintée de couleurs noires et blanches dans son impalpabilité, elle reflète un certain penchant expressionniste digne des films de Murnau. Les arbres espacés recouvrant le ciel d’une voûte de feuillage touffu invite l’auditeur à l’apaisement, au repli sur soi loin de l’extérieur. Car il n’est point question de désespoir suicidaire ici. La forêt devient en fait un havre de solitude nullement menaçant et qui contribue pour l’auditeur à se remémorer des images d’un passé de sa vie jadis riche et beau, remplacé désormais par une existence futile sans futur.
Le timbre de la production, au même titre que de nombreuses autres formations hexagonales mille fois citées (devinez lesquelles), est typiquement champêtre, étalant d’un bout à l’autre de la demo une rusticité à toute épreuve. La première écoute m’a tout de suite évoqué la musique maléfique du film «La nuit des traqués » du réalisateur très franchouillard Jean Rollin, ainsi que dans une moindre mesure celles de « Suspiria » composée par Goblin.
La recette est toujours la même, à savoir l’utilisation dominante de riffs acoustiques soutenus par des plaintes saturées. Ce qui fait néanmoins la différence par rapport aux demos précédentes, c’est la très grande diversité des 15 morceaux qui s’enchainent sans jamais se ressembler malgré leur apparente simplicité. D’une obédience Black Metal purement atmosphérique, la demo atteint pour la première fois des sphères strictement ambiante. En effet, le spectre vocal ne peut être comparable à rien de rationnel, frissonnant et pleurnichard sans l’être, c’est comme si la forêt nous dévoilait ici ses secrets intimes à travers cette voix éthérée, triste comme les soupirs d’un chêne, et s’écoulant comme les larmes d’un saule pleureur. La nature se voit enveloppée d’une aura mystique où chaque plante et arbre se voit attribuer une intelligence propre à l’homme, pouvant ainsi confier silencieusement sa sagesse séculaire à l’auditeur parvenu à une symbiose avec son environnement. Une rumeur présente en arrière plan s’élève sur les seconds et derniers titres, sourde et murmurée comme émis par un cercle d’animaux composé de loups, lièvres, renards, hiboux, et écureuils réunis ensemble dans une clairière baignée par la clarté lunaire et participant ensemble à l’immense symphonie de la solitude orchestrée par lord Aäkon Këëtrëh.
Malgré le calme insufflé par le silence ambiant, les cinquièmes et dixièmes titres se révèlent plus agressifs de par leurs rendus abrasifs et saturés qui présentent déjà à l’état latent le germe de l’inspiration aux formations futures telles que Drowning the Light ou Moloch.
The dark winter se pose comme la consécration de la maturité d’Aäkon Këëtrëh. Ce dernier parvient à affirmer sa personnalité propre, désormais palpable dans sa quintessence la plus noire et isolatrice. Explorant pour la première fois la musique ambiante, il fait la synthèse des points forts des deux demos précédente pour parachever sa discographie avec une œuvre plus sincère et aboutie que jamais.
Moloch