Tracklist :Gas in Veins
Les Ruches Malades
Heurt
Recueuillement
Faux Semblants
I XII V XIX XV V XXI XVIII XIX – IX XIX – IV V I IV
Trouble (Eveils Infames)
Video Girl
La Reine Trayeuse
Amesoeurs
Au Crepuscule de Nos RevesIl y a des albums comme ça qu'on ose pas critiquer. Car on ne sait pas par où commencer ni ou cela va nous mener tellement il y a de choses à évoquer et que la peur d'oublier ne serait-ce qu'un détail fait incessamment pression... Il y a des albums comme ça, des petites surprises ineffables, qu'on à peur de critiquer par peur de les déshonorer ou de mal retranscrire toutes les émotions ressenties à l'écoute. Amesoeurs, fait partie de ces ovnis, inclassable... Et pourtant la partie n'était pas gagnée. En effet, avec le MCD Ruines Humaines, Amesoeurs avait placé la barre très haute et était attendu au tournant, surtout que cet album éponyme était annoncé comme le premier et dernier du groupe, séparation oblige…
Fursy (guitare et basse) et Winterhalter (batterie) viennent compléter le line up mais le groupe n'a pas pour autant changé sa recette. L'album démarre par l'instrumentale Gas In Veins qui nous plonge dans une ambiance obscure et urbaine, où la basse et la guitare s'accouplent harmonieusement formant une couche de gaz asphyxiante qui détruit la nature et installe sa modernité, les hauts bâtiments prenant forme dans la nuit noire : l'ambiance est donnée.
On retrouve beaucoup de titres pop/cold wave très efficaces tels que Les Ruches Malades (repri du split entre Amesoeurs et Valfunde) et Video Girl toujours menée par la belle et talentueuse Audrey, qui, loin d'avoir une voix exceptionnelle dégage un certain charme grâce à un timbre tantôt maladroit, tantôt sensuel mais toujours varié et souvent plein d'innocence. Ses parties vocales sont très bien mises en valeur par une ligne de basse toujours très en avant, comme par exemple sur Faux Semblants, ou une disto, accompagnée de mélodies, vient relancer la puissance sommeillant en Amesoeurs.
Dans un registre davantage cold wave/black metal, avec des mélodies très sombres, on note les excellentes Reine Trayeuse et Heurt (chant sous mixé) où Audrey, à l'image de Faiblesse des Sens, s'égosille la voix et délivre des cris effroyables : on ressent alors toute son aversion à l'égard de notre société urbaine. Les nombreux passages en son clean servent de liaisons entre les couplets qui font parfois offices de breaks, insufflant une certaine cohérence à l'intérieur même des titres. Ce sentiment de cohérence s'accentue par la présence d'une courte interlude mélancolique au piano I XIII V XIX XV V XXI XVIII XIX - IX XIX - IV V I IV (signifiant Amesoeurs Is Dead, comme c'est étonnant!..), judicieusement placée en milieu d'album. Ce type d'instrumentale démontre une fois de plus les talents de composition du groupe.
Les titres ou Neige chante sont plus longs et complexes, dans une veine purement black metal : Recueillement est un hommage au spleen de Baudelaire qui propose des riffs lourds et malsains accompagnés de mélodies raffinées tandis que Trouble (Éveils Infâmes) possède un son crade, non sans rappeler les grands Peste Noire (dans lequel Neige officiait) par ses riffs sales et rapides et toujours cette voix si crue, profondément écorchée et décidément unique.
Deux autres compositions nous plongent davantage dans le concept très complexe qu'est Amesoeurs : l'éponyme Amesoeurs qui dégage une ambiance nocturne très mélancolique, on se croirait vraiment sur "le toit du monde" à scruter l'horizon, plongé dans le brouillard et la pénombre, à se demander si la vie à réellement un sens avec tout cette modernité qui détruit notre société déjà vétuste. Les mélodies sont complexes et se mélangent harmonieusement avec la rythmique clean. L'album atteint des sommets sur sa clôture, Au Crépuscule de Nos Rêves, qui, du haut de ses onze minutes, s'impose indéniablement comme le titre le plus varié de l'album : accords clean atoniques, riffs crades, voix dépressive d'une rare intensité, mélodies sublimes : le groupe semble tout donner sur ce dernier titre même si l'on regrettera ce blanc de trois minutes et cette fin avec des samples indus, un choix à mon avis pas très ingénieux et plutôt saugrenu pour faire ses adieux!..
Certes Amesoeurs n'est pas parfait. Connaissant le talent de Neige et sa bande, ils auraient pu améliorer encore le rendu avec un peu plus de temps et d'envies.. De plus, s'empreigner de l'album n'est pas une mince affaire et la dichotomie stylistique pop/black metal peut choquer au premier abord, mais s'avère être, au fil des écoutes, un atout de taille. Alors oui on ne retrouve pas toujours l'intensité atteinte sur le MCD Ruines Humaines, mais qui, à l'heure ou les formations "black metal" fusent comme les emoband sur myspace, peut se vanter d'être original, varié, recherché et complexe ? Indéniablement Amesoeurs qui propose un album sublime par sa fraîcheur, sa variété, ses paroles qui font rêver et méditer, ses riffs complexes dû à cette éternelle alternance clean/disto et ces voix, tantôt maladroite et innocente, tantôt affirmée et agonisante, ce qui captive terriblement. Vous l'aurez compris, le charme d'Amesoeurs repose sur une abondance de contrastes, tous plus impensables et surprenants les uns que les autres. Le seul regret à avoir est que ce groupe d'avenir n'en soit plus un...
Abyssos
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