Essoupi - Aktiv Dødshjælp (1999) Perdu au fin fond des contrées danoises sur l'île de Bornholm, Essoupi est l'un de ces one-man band condamnés à l'anonymat, composant ses morceaux entre plusieurs crises d'angoisses. Ayant déjà œuvré au sein de groupes embryonnaires d'inspirations True Black Metal dans tout ce qu'ils peuvent présenter en termes de références éculées à Tolkien et Varg Vikernes, Hugin accompagné seulement par Stryknin chargé de la programmation, décide d'engendrer la seule demo cassette qu'il put enregistrer s'intitulant: Aktiv Dødshjælp.
L'artwork aux couleurs glauques et jaunâtres transfigure le mal-être pathologique dans lequel semble avoir été enregistré la demo. Hugin est recroquevillé comme un animal souffreteux dans un endroit clos semblable à une cave, lieu propice à la réalisation d'une œuvre saturée d'émotions négatives.
Aktiv Dødshjælp, traduit du norvégien par euthanasie, semble avoir pour objectif d'exprimer toute la futilité de la vie. Composé d'un seul morceau d'une durée d'une demi-heure intitulé "Perhaps We Are Like the Stars.../Walking at the Boundaries of Life", la demo semble fermement décidée à nous persuader du caractère dispensable de l'existence humaine.
Les compositions sont très influencées par la période ambient de Burzum qui, la même année, sortit son fameux Hliðskjálf. Cette inspiration se manifeste principalement par des mélodies lancinantes au clavier qui s'étalent sur la première moitié du track. L'atmosphère fraiche et cosmique que ces notes répétitives insufflent à cette partie projette l'auditeur en des sphères paisibles et méditatives. Des voix murmurées et saturées dans leurs désincarnations, comparables au spectre vocal de Lord Genocide de Vociferian, nous emmènent sans violence vers la frontière entre la vie et la mort. Le rythme descendant nous fait assister à l'inéluctable décrépitude d'un être euthanasié dont l'état de conscience superficiel ne se rapprochait plus que par des rêves chimériques et creux vers l'ultime voyage aux portes du néant.
La musique s'arrête au bout de 15 minutes sur les bips sonores d'un électroencéphalogramme, signes annonciateurs de la fin de notre état végétatif faussement reposant. Un silence nait, permettant au musicien d'amorcer une nouvelle piste d'écoute.
La suite est magistrale. Telle une rétrospection amère et nostalgique par le moribond sur sa vie passée, une voix atteignant l'intensité d'un Urfaust avant l'heure permet de faire une courte transition sur des crescendos vocaux intenses en émotions dépressives et résignées.
Rapidement, la place est cédée à la dernière partie sur laquelle s'achève la demo. Entrainante et lumineuse, ses sonorités sont typiquement Folk. La batterie s'éxecute selon le modèle "Poum, Tchak" tout en laissant la voie libre à des nappes scintillantes de claviers aux rythmes ascendants. Alors que la voix de Hugin était jusqu'à présent faible et murmurée, celle-ci s'épanouit désormais librement dans son grésillement saturé, déchainée de ses carcans dépressifs. La gaieté ingénue de l'atmosphère rappelle les sensations fugaces de l'enfance, celles de légèreté et de joie ignorantes de la réalité du monde. Un niveau de conscience supérieure est atteint, voyageant sous d'autres formes d'éternités aux profondeurs du néant.
Aktiv Dødshjælp est une œuvre de Black Ambient formidable. L'auditeur ressort changé de ce voyage méditatif, hymne au renoncement et à la négativité. L'euthanasie est vécue ici comme la fin d'un long coma, l'achèvement de la sensibilité différente d'un monde constitué d'éléments nébuleux et dépourvus de sens. Car peut-être sommes-nous comme les étoiles. Nous marchons jusqu'aux frontières de la vie avant d'être appelés à disparaitre.
Moloch