Prélevée de MITHRA! Templezine, je la poste ici en exception car j'accorde beaucoup d'importance à cet opus...
Aujourd’hui je vais tenter de vouer ma plus précieuse attention à un opus issu de ma collection, le monumental cinquième album, et véritable consécration de
Vrolok, sorti sur Drakkar Productions :
Void (The Divine Abortion). Il faut savoir qu'il est totalement indépendant de la trilogie des “résurgences” : R
esurgence I : Descent Through the Abyss (2002), Resurgence II : Where the Dying Meet the Dead (2004) et Resurgence III : Order of the Sphere (2007), tout comme l’album Soul Amputation l'était. Ce dernier ayant été produit également par le même label.
Ce projet né de l’esprit autarcique du multi-instrumentiste Dan Martin alias Diabolus est dévoilé pour la première fois en 2001, sous le signe d’une promotion énigmatique, avec une démo intitulée Promo 2001/2002, puis viendra l'année suivante la démo N
octurnal Isolation et un split avec
Obskurum pour finalement déboucher sur la première œuvre d'envergure de V
rolok : Resurgence I : Descent Through the Abyss, comprenant des titres des deux premières démos.
Il s’en suivra, alors, de diverses et nombreuses collaborations qui seront publiées par les labels suivants : Total Holocaust Records, Alpha Draconis Records, GoatowaRex, Drakkar Productions, Unsung Heroes Records et Fallen Empire. On retrouvera, donc, Diabolus dans des projets comme
Interfektor (avec Noktu de Drakkar Productions), dans
Black Funeral sur l’album W
aters of Weeping, dans
Sick,
Vomit Orchestra son projet expérimental proche de l’industriel, ou encore dans un projet en duo dans
Death Hymen avec un compositeur de B
lack Seas of Infinity, dont il décrit les influences en ces mots :
«…beaucoup des nouvelles compositions ont un son proche des SKINNY PUPPY de la fin des années 80.» (source : interview 2008, La Horde Noire).
Bien que
Void fût suivi quelques années plus tard par
Melancholia, “embryon” expérimental édité par Drakkar encore, ainsi que part un split avec
Relique rudement limité à une poignée d’exemplaires qui n’en est pas moins brillant, il reste une étoile sacrée et parfois inaccessible…Et, je vous propose de le découvrir, ou redécouvrir en ces lignes.
Enregistré entre 2005 et 2006 sur un prisme géographique qui s’étale des États-Unis à l’Islande grâce à la participation de Kristján Gudmundsson, est de prime abord une œuvre qui parvient en toute cohérence à braver toutes formes de stéréotype musical. Les influences sont autant de cascades aux sources les plus insolites, et elles sont loin de s’écarter de l’essence primordiale du black metal, ou de chuter sans fin dans l’abîme expérimental, Diabolus a tenu à respecter sa propre conception du black metal :
«…however, is that it doesn’t take into consideration that high art - and I will forever argue black metal is, when it is at it’s best and most pure, capable of being high art - goes above and beyond human constructs like “comfort zones” and “thinking outside the box”. » (source : message du Facebook officiel, du 10/07/2015).
Quelque chose d’étincelant et d’ancestral se dégage de ces cinq pistes, l’effet d’une réminiscence. Sous la forme d'un drone / doom dépouillé, la progressive ascension des premières notes rampantes de la piste qui ouvre
Void ( The Divine Abortion ) illustre parfaitement cette idée de source cachée, de refaire surface la nuit, à l’abri des regards. Mais, la progression ne se fera pas sans violence, le titre nous conduit jusqu’à des passages fulgurants, aux blast beats frénétiques : ils semblent s’agglomérer et forment ainsi un pic structurel dans la composition pour finalement redescendre. Ce relief est mis en valeur par un chant aux techniques variées - vocaux gutturaux, chant de possession infernale et passages scandés - que l’on croirait en train d’expier le crime de sa propre existence sur l’ensemble de ce titre; il se positionne en tant que pièce maitresse des compositions. Cette première piste s'évapore dans des effets industriels sporadiques et dresse avec aisance l’univers de cet “avortement divin”.
Radiance est un titre lui aussi remarquable, car il marque un véritable décalage avec ce que l'on pourrait attendre du black metal en général ! Les guitares en aller-retour lourdes et mécaniques, sont ici entraînées par une batterie aussi industrielle que celle d'un groupe comme
Pitschifter. La voix principale y est doublée cette fois-ci par un soliloque adressé au néant, dans un registre proche de celui de
Torturum ou
Blood Red Fog par exemple. D’ailleurs les paroles collent parfaitement avec rudesse à la folie cathartique du morceau :
«I’
am the world’s abject reality
Embodied disfigured pseudo-reality
Encompassing spectre forlorn and drained
The martial herald of death estranged.»
En continuant avec des exemples de structures insolites, on ne peut qu'évoquer cette batterie syncopée qui nous renvoie au jazz, notamment au niveau de son utilisation des cymbales et du charleston. Son jeu - par sa technique - caractérise l'esprit de démarcation de
Vrolok, en empruntant une voie singulière et absolument chaotique, alors que d’autres diront grossièrement de ce jeu de batterie qu’il est noise…
Sur ce disque les influences sont multiples, si bien que chaque titre qui compose cet album détient une personnalité à part entière. Prenons l’exemple de
Turning Purple in the Dark, si proche de l’univers des débuts de
Swans, et interprété avec un désenchantement tragique qui n'est pas sans dénoter l'influence de
Coil dans le chant, mais aussi une certaine parenté percussive avec la reprise de
Tainted Love sur l'album
Scatology ! Outre sur ce morceau dans son intégralité, on retrouve des passages similaires en voix claire dans d’autres titres, notamment sur
Void, avec son introduction minimaliste et ce chant dramaturgique qui atteindrait presque celui d’
Urfaust.
J’ai lu dans la majorité des chroniques de cet album la référence à
Bethlehem, même si je ne désapprouve pas, je pense qu’une empreinte des débuts du funeral doom est nettement plus affirmée. Ainsi, de nombreux passages down-tempo m’évoqueront davantage
Thergothon, que les débuts du dark metal. Et, cela est en partie dû à la profondeur de la distorsion des guitares, mais aussi à cause de la batterie écrasante, qui ne se cantonne pas à l’esthétique de surface que l’on pourrait retrouver dans les groupes de cette branche.
Void (The Divine Abortion) est une œuvre qui amène au malaise celui qui est le plus enfoui en nous, ici, il ne s’agit pas de faire dans l’aristocratie d’un metal tissé dans la soie…
Quelques mots sont nécessaires à propos du caractère si personnel de l’enveloppe sonore de ces compositions ! En effet, si elles sont uniques en leur genre, le choix des effets sonores est quant à lui absolument surnaturel. Je n’ai jamais entendu un son aussi abrasif et éthéré avec une combinaison qui permet de rendre les notes aussi claires, même à travers cette basse si caverneuse ! On devine l’utilisation d’amplifications à lampes, mais également le choix d'une technique d'enregistrement ne répondant pas aux critères du black metal conventionnel, ce qui apporte une dimension supplémentaire à l’authenticité de cet opus.
La longue procession de cet album nous guide vers la monade de l’entité
Vrolok, incarnée et mise en musique durant la quinzaine de minutes du titre final,
Void : en son clair une guitare, désincarnée et dérangeante, ouvre le morceau et alors s’installe une atmosphère monastique, profondément “recluse”. Par ses structures et ses rythmiques diversifiées, mais également sa progressivité naturelle, ce morceau se transforme en une marche solitaire guidée par une étoile morte au milieu de la nuit.
Void (The Divine Abortion) est sans aucun doute l’ultimatum à l'humanité le plus sinistre que j’ai pu écouter jusqu’à présent. Cette œuvre d’une personnalité sans retenue, parvient à marquer tout type d’auditoire en se transfigurant perpétuellement dans l’étreinte d’un profonde et sincère misanthropie. Pour ceux qui ne le connaîtrait pas encore, et qui restent friands de novations en tout genre, je vous sollicite vivement de songer à l'écouter !
Carl Neomalthusian. (Photo de l’album “Void” : MITHRA!)
(SOURCE ORIGINALE >> [url=http://mithratemplezine.tumblr.com/post/125515133244/kvlterie-vrolok-void-divine-abortion-2007]http://mithratemplezine.tumblr.com/post/125515133244/kvlterie-vrolok-void-divine-abortion-2007[/url )